« Quand nous chanterons, le temps des cerises… »
Le confinement touche à sa fin, il va revenir le temps des cerises… Petit retour sur cette chanson bien (mé)connue, qui prend un sens particulier dans cette période.
C’est une romance ? Non, une révolution !

Rendue célèbre car associée à la commune de Paris, elle lui est pourtant antérieure, et loin d’être révolutionnaire. Son message est au départ, poétique. Son auteur, Jean-Baptiste Clément (1836 – 1903), écrit en 1866 cette romance (dont le terme est d’ailleurs le sous-titre). Décrivant, sur une mélodie mélancolique d’Antoine Renard, les peines de cœur d’un amour fini, elle va trouver quelques années plus tard, un écho inattendu.
1871. Paris et ses barricades. Jean-Baptiste Clément, engagé aux côtés des communards, écrit une chanson, pour le coup terriblement révolutionnaire et cela sans ambiguïté, « La Semaine sanglante ». Les paroles ne laissent place à aucun doute quand au propos de son auteur : « Demain les gens de la police Refleuriront sur le trottoir, Fiers de leurs états de service, Et le pistolet en sautoir. Sans pain, sans travail et sans armes, Nous allons être gouvernés Par des mouchards et des gendarmes, Des sabre-peuple et des curés. » Tombée depuis dans l’oubli, une autre de ses chansons va prendre la place de l’hymne révolutionnaire. En effet, la commune ensanglantée a ses héros. Comme cette infirmière, nommée Louise, à qui Clément dédie son Temps des cerises, en 1882.
Dès lors, la transformation s’opère. De cette dédicace, la romance se verra dotée d’air révolutionnaire. Les « Cerises d’amour aux robes pareilles Tombant sous la feuille en gouttes de sang » font écho aux « Évitez les belles » /balles et autre « plaie ouverte ». Il n’en faut pas plus pour que le réemploi fonctionne, la méprise s’installant durablement au cours du siècle suivant, et ce jusqu’à aujourd’hui.
Le temps des cerises, c’est pas pour maintenant…
Mais pourquoi parler du temps des cerises aujourd’hui ? Parce que oui, nous allons ressortir et sentir les cerises dans nos bouches affamées de liberté. Parce qu’encore aujourd’hui, les infirmières sont sur les barricades. Mais aussi, parce que, comme pour la romance de Clément, le temps des cerises est une analogie. Pour les professionnels du tourisme et du spectacle.

Car non, nous ne le chanterons pas cette année le temps des cerises. Le déconfinement ne signifiera pas la reprise du travail pour nous autres. 2020 n’aura pas la saveur juteuse des fruits. Nous avions travaillé pourtant, anticipé, comme nous le faisons tout les hivers. Période plus calme dédiée au travail de préparation, de recherche, de documentation et de création, qui ne porte ses fruits que quand revient la belle saison. Frustration. Elle ne reviendra pas cette année. Mais nous gardons espoir, et ne baissons pas les bras pour autant. C’est un défi à relever. Un tourisme à réinventer. Commençons à inventer dès cet été. Et l’an prochain, lorsque reviendront les beaux jours, la belle saison sera plus belle encore, les cerises auront plus de saveur, et nous les dégusterons avec un plaisir immense !
Nous le reverrons le temps des cerises !
Quand nous chanterons le temps des cerises Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur Quand nous chanterons le temps des cerises Sifflera bien mieux le merle moqueur Mais il est bien court le temps des cerises Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant Des pendants d’oreilles Cerises d’amour aux robes pareilles Tombant sous la feuille en gouttes de sang Mais il est bien court le temps des cerises Pendants de corail qu’on cueille en rêvant Quand vous en serez au temps des cerises Si vous avez peur des chagrins d’amour Evitez les belles Moi qui ne crains pas les peines cruelles Je ne vivrai pas sans souffrir un jour Quand vous en serez au temps des cerises Vous aurez aussi des peines d’amour J’aimerai toujours le temps des cerises C’est de ce temps-là que je garde au cœur Une plaie ouverte Et Dame Fortune, en m’étant offerte Ne pourra jamais fermer ma douleur J’aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur