Poder… c’est un mot, puissant. C’est un cri, aussi.
Celui de l’association du carnaval biarnès à Pau, qui cette année, donne des couleurs engagées à cette manifestation populaire. Donc du peuple. Donc nous. Vous. Moi. Les autres autour, qu’on regarde rarement, avec lesquels on ne parle que si on est obligé. « Pardon madame, la rue machin c’est bien par là ? ». Et encore, c’est bien parce que mon aïefaune n’a plus de batterie sinon je m’en serais bien passée de communiquer avec une inconnue que je ne connais pas.

Mais là, voilà. Cette année, le carnaval biarnès nous dévoile un Sent Pançard (comprendre, le roi du carnaval béarnais, ancienne vicomté médiévale du sud-ouest pyrénéen) aux couleurs tricolores. Pire que tout. Le type, il a osé. Il est candidat à la présidentielle le cochon. Soutenu à la fois par Trump et Poutine, il nous prouve déjà sa large souplesse d’esprit avec ce grand écart. Se préparerait-il pour les jeux olympiques en cachette ? Seule l’idée de devoir faire appel à un diététicien devrait décourager notre bon vivant pyrénéen.
Car c’est bien là que le bât blesse. NOTRE Sent Pançard. Celui qui, comme tous les rois de carnaval, nous livre les clés de la ville. Nous offre quelques jours de joyeuses ripailles. Avec lui, on célèbre la vie, en la dévorant, en la buvant, en la chantant, en la dansant.
Carnaval, c’est depuis l’Antiquité, la même chose. L’inversion des rôles, la transgression des règles. Le fou est roi, le maître esclave, la femme pape… Les costumes sont libres, les masques nous délivrent, protégeant notre identité du jugement. On s’amuse, on rit, on ose. On oublie.
Que c’est l’hiver, et qu’il fait froid. Que le soleil brille, pâlement. Que nous ne sommes que ce que nous sommes, le peuple.
Poder, cela veut dire pouvoir. À l’image du grotesque Sent Pançard, qui ne le veut que par intérêt personnel, c’est la caricature jubilatoire de cette année.
Poder, cela veut aussi dire, rendre possible. Rendre possible l’amusement et la joie, rendre possible la fraternité entre inconnus qui se parlent et chantent ensemble.
Comme tous les rois de Carnaval, ce soir, nous avons brûlé Sent Pançard. Avec un mélange de sentiments au fond du cœur. La fête est finie. Les masques tombent, les regards éviteront soigneusement de se croiser. Triste retour à la réalité. Ce roi va trop loin, est excessif, il fallait l’arrêter. Mais avec lui, c’est notre part de folie et de liberté que nous avons brûlé.
Nous, nous le savons. Il reviendra l’an prochain. On lui fera la fête, on l’accueillera en héros, il sera notre libérateur. Et puis encore, il ira dans l’excès, les réjouissances frôleront la folie. Alors, on l’arrêtera.
Voilà carnaval, notre soupape nécessaire, éphémère. Poder, c’est un énorme soupir de soulagement, de voir qu’ensemble on est bien. Car nous ne sommes QUE le peuple.
Bravo à l’association du carnaval biarnès, aux bénévoles qui consacrent leur temps et leur énergie à nous faire sourire et danser, à être heureux. Et à maintenir une activité culturelle empreinte de traditions pyrénéennes et occitanes.
Adiu praube, adiu praube carnaval…